Mon meilleur ami a la chance d'avoir des cousins propriétaires d'un château dans le sud-ouest. Un jour, il lui propose de venir passer un week-end "quand il veut – avec qui il veut". Du coup, on saute sur l'occasion et on part avec une amie pour un week-end prolongé… Bon, il aurait eu des cousins propriétaires d'un magnifique bungalow au camping Belle vue, je ne vous garantie pas qu'on aurait eu la même réaction!...
Après quelques heures de route, nous sommes reçus dans ce beau château avec ses salons en enfilade, sa tour médiévale, ses oubliettes caves voutées… Un superbe décor pour un week-end d'exception.
Nous dînons avec les cousins, puis, vers 23h00, ils partent se coucher…
Nous, de notre côté, on décide d'aller faire un tour dans le placard à bouteilles pour boire un petit coup.
Au début, ça commence doucement, style je sirote mon porto dans mon petit verre en cristal, tout va bien, c'est trop la classe… Et puis, la soirée Nadine de Rothschild a soudain viré à l'open bar géant…
Le challenge est de ne finir aucune bouteille, histoire de ne pas se faire choper… La solution est donc de boire un peu de toutes les bouteilles.
Le bar est plutôt bien fourni : porto, kirsh, whisky, Grand Marnier, Mirabelle, Poire, Rhum, Tequila, Martini, Cointreau…
Une goutte par ci, un verre par là… L'ambiance monte étrangement d'un cran. Il y a un petit côté décalé à se bourrer la gueule comme des routiers bretons dans le salon d'apparat d'un château…
J'aime pas mal les concepts décalés...
Vas-y qu'on se fait une tequila flambée sur le piano à queue, vas-y que je glisse lamentablement de mon fauteuil Louis XVI après avoir ingurgité un TGV, vas-y que je me roule sur le tapis persan du XVIIIème siècle pour me remettre du verre de whisky 20 ans d'âge… Des sales gosses, quoi! Complètement pas bien! Carrément décadent! Juste affreux!
La soirée continue, l'effet calamiteux des mélanges ne tarde pas à se faire sentir. Mes deux acolytes sont au bord du coma éthylique, moi, je me découvre une superbe complicité avec le lustre en cristal : tout va bien…
…puis, tout va mal… mon ami se précipite à quatre pattes aux toilettes (ceci n'est pas une image) pour vomir pendant que la troisième roule en arrière-plan vers la bibliothèque, moi je sens comme un tsunami intérieur : un truc que tu le vois venir mais tu restes comme scotché devant ce phénomène naturel incroyable!!!
J'ai quand même le réflexe de me mettre devant la cheminée… et je vomis pitoyablement sur les bûches et les cendres…
A peine je ressors la tête de la cheminée, mon ami revient des toilettes et nous annonce la bonne nouvelle : elles sont complètement bouchées!
Résumons donc la situation :
- on a méchamment attaqué le bar des cousins, genre "tiens, c'est marrant, il ne reste plus que des fonds de bouteilles"
- le piano à queue à des marques de verres partout genre maintenant c'est un piano à queue et à pois!
- les toilettes sont bouchées, je ne veux même pas savoir avec quoi…
- la cheminée est pleine de vomi d'alcool (en même temps, le prochain feu devrait bien prendre!)
Et ben, le pire c'est que face à tout ça, quand vous êtes bourrés, vous allez vous coucher le cœur léger style "M'en fous! Y'a bien une armée de femmes de ménage portugaises qui va finir par passer pendant la nuit!"
Le problème, c'est que le lendemain, vous êtes bien obligé de vous rendre compte qu'aucun régiment de femmes de ménage n'est passé. Encore moins en provenance directe du Portugal. Ben, oui! Je sais! Moi aussi, ça me révolte!
Enfin, le pire c'est quand même la gueule de bois que vous avez le lendemain. Moi j'appelle même plus ça une gueule de bois mais une gueule de plomb, de granit ou de béton armé mais un truc moyen niveau maniabilité quoi!...
Teint de bidet.
Haleine de toucan.
Humeur de boa constrictor.
Cernes en couille de hibou d'Amazonie (ils sont très grands…).
Bref, ce n'est pas le top, et pourtant, vous devez faire bonne figure devant les cousins.
Déjà quand le cousin nous rejoint dans le salon à 12h30 et nous propose de prendre l'apéro, on répond tous les trois comme s'il en répondait de notre vie : "NNNNNNNAAAAAAAAAAAAAANNN…merci!"
Le cousin, un peu surpris de cette réponse unanime et énergique décide d'aller se verser un petit verre de porto.
"Tiens y'a presque plus de porto!"
On regarde tous nos pieds… (Enfin on essaie de les fixer…)
Au même moment, la cousine arrive dans le salon avec un grand plat dans les mains.
C'est un gigot embroché sur un plat.
Cru le gigot.
Cru.
-"Aujourd'hui, on va faire cuire le gigot à la broche, dans la cheminée, c'est sympa, non?"
Et ben, vous savez quoi? On l'a mangé le gigot.